Le Républicain Lorrain


Rock’n’roll et goût d’éternité

D’emblée, on est magnétisé par le décor qui occupe la scène de la salle du T.P.L. Garage ? Entrepôt ? Lupanar ? Rave ? ... On hésite à figer le lieu imaginé par Pierre Pannetier pour que Marc-Ange Sanz et ses comédiens y fassent détonner «Un pur moment de rock’n’roll». Un amoncellement hétéroclite d’objets, de pneus, de tôles, d’échelles, d’outils, de plastique figure un espace où tous les possibles vont éclater.


Point de départ : le livre homonyme de Vincent Ravalec (présent lors de la première), une partition de huit nouvelles tour à tour émouvantes, folles et drôles qui abordent gaillardement sans trémolos charismatiques, le mal des cités, les blessures blanches des jeunes laminés par les fléaux ambiants : délinquance, chômage, drogue, sida, violence, etc. Vincent Ravalec n’a rien d’un mystificateur ou d’un usurpateur de filons. «Un pur moment de rock’n’roll» est un concentré explosif. Le titre se joue des sens. La pureté relève de l’angélisme et de l’immondice. Le moment éclate d’instantanés criblants, à mille lieues des clips bovins, et nous emmène quelque part du côté de l’éternité. (...)


Olivier Jeannelle, Laurence Mongeaud, Nadia Rémita, Pierre Salasca, habités par le texte et la mise en scène sont impressionnants de cohérence et d’engagement. Quand commence le spectacle et que baisse le niveau sonore de l’univers musical conçu par Jean-François Lorenzi, Pierre Salasca surgit, vêtu d’une sculpturale coquille de boxeur. Il profère l’histoire de ceux que la désorientation scolaire mène sur les flexibles voies de garage et de chômage. Nous sommes littéralement incorporés au spectacle. Les muscles, les jets de salive et les souffles du comédien nous emmènent au-delà de la simple fascination. On a changé d’orbite. Plus de temps numérique. C’est le temps du Théâtre. Un moment de pureté sauvage.


Lovés dans des housses de plastique les autres acteurs naissent à eux-mêmes, leur nudité raconte leur naissance et leur immersion dans l’épopée crue de Ravalec. On bascule avec eux dans le chaos, l’horreur, la dérision et l’émotion. Nous sommes sollicités. Les comédiens nous parlent, nous envahissent. Leurs mots ne sont pas simplement des paroles fugaces. Ils vibrent en nous.


Sanz ne nous laisse aucun répit. Il fait oeuvre civique. Au spectateur de se situer. L’enchevêtrement convulsif des scènes relève d’un appel permanent. Le théâtre a cette fonction majeure : nous bousculer, nous remuer. L’émotion en est le vecteur. Sanz et l’Empreinte et Compagnie mixent toutes ces vertus. (Une représentation supplémentaire est pévue ce soir).

Extraits de presse

Un pur moment de rock’n’roll

de Vincent Ravalec