Le Républicain Lorrain
Marc-Ange Sanz joue avec le feu.
En Créant Éléments moins performants sur le carreau d’une mine de charbon désaffectée à Petite-Rosselle, Marc-Ange Sanz a injecté à son sujet une bonne dose de réalisme assortie d’esthétisme, même si la réalité est ici décalée et hybride. Car la pièce de Peter Turrini raconte le naufrage d’une usine métallurgique en Autriche. Mais on comprend vite que le capitalisme sauvage qui sévit à toutes heures et en tous lieux est aussi passé par ici. A quoi se réduit la planète ? Conditionnés à l’origine pour vivre, travailler et lutter ensemble, les «ouvriers» décrits dans la pièce découvrent soudainement les nouvelles modalités qui taxent leurs espérances et les anesthésient, sans espoir de réveil. Quant au compromis qui leur sont proposés, c’est sans doute le meilleur moyen de les compromettre. La pièce de Turrini montre un monde ouvrier nostalgique de sa dépendance et parfois veule lorsqu’il rêve. Le spectacle de ces hommes et de ces femmes face à leur destin n’est cependant pas un pastiche, mais plutôt un regard ironique et amoureux sur la classe ouvrière. Proposée avec le rituel propre aux «spectacles-événements» la pièce est introduite par un «petit tour de manège» (le tour du site De Wendel en autorail) qui permet de découvrir sur les décombres de l’usine des signaux désormais vides de sens. Impressionnant ! Impressionnant aussi ce début de spectacle qui montre un saisissant tableau de famille réunissant tous les acteurs... «avant le déluge».
Éléments moins performants est à la fois l’histoire d’une mutation définitive, et un essai magistral sur la fonction éclairante et sociale du théâtre. Proposé toute pudeur écartée, en tableaux hachés, brefs et cinglants, le spectacle est servi par douze comédiens convaincants que l’on retrouve dans Enfers et damnation, une autre pièce de Turrini montée par le même Sanz, et donnée en alternance au même endroit.
André Greiner