La Terrasse

le mensuel des rendez-vous de la culture


Après Un pur moment de Rock’n’roll, Marc-Ange Sanz revient avec sa bande de miséreux et de paumés fin de siècle qu’il met en scène comme une série de portraits.


Dans cet espace sans horizon qui ressemble à un ring en chantier, il s’abrite sobrement derrière les petits mots que Jean-Louis Bourdon a sortis du ruisseau. Cette parole de pauvres et de braves gens, on la trouve derrière les usines et dans les tours HLM, en bas de cages d’escaliers, ou  au fond des caves lorsque les mômes s’offrent des tours du monde pour pas un rond.


Marc-Ange Sanz fait une nouvelle tentative d’effraction du réel ordinaire qu’on laisse pourrir au fond du caniveau.

La banlieue prolétaire dont il nous parle a toujours existé. Et c’est bien là son problème aujourd’hui, exister.


Dans la famille de Jean-Louis Bourdon, il y a le père, un peintre en bâtiment toujours sur chantier et sous les jupons des filles, rêvant de décrocher l’amour ou bien la lune, la mère qui tire sur la ficelle en attendant son homme sans pouvoir s’empêcher de l’aimer ou de le vomir, dans une avalanche de torgnoles qui dégringolent sur les trois gosses : le fils, un grand dadais qui veut devenir gentil et surtout footballeur, et pourquoi pas heureux comme un cheval sauvage, une fille handicapée qu’on ne verra jamais, et une autre de 7 ans, qui est sans doute la plus grande parce que même si son papa n’est pas docteur, elle sait que les enfants ne se font pas comme on fait un tour de pâté de maison : « Le vrai amour c’est quand la terre fait tourner sa langue avec le soleil ». Chacun de leur côté et sans se répondre, ces quatre personnages familiers vont nous raconter les petites histoires sordides dont raffole la cité, ces destins crasseux qui se bricolent et cette misère qui colle comme un chewing-gum. Pour cette famille nourrie au cassoulet, le bonheur ça pourrait être simple comme une ballade en forêt, si la vie ou le non dieu n’avaient pas fait de bêtises.


Avec cette parole vivante qui se donne, jase, cafte et transpire, Jean-Louis Bourdon parle de la misère avec les mots de la résistance, ceux qui ont appris à rire du pire et qui frappent pile en plein coeur. Il n’invente rien, c’est la vie qu’il raconte, et cette vie-là nous aspire comme une bouche d’égout.

V. L.

Extraits de presse

Scènes de la misère ordinaire

de Jean-Louis Bourdon