Deux mondes s’interpénètrent dans l’allégorie Campagne/Ville qui, loin d’être réductrice, convoque le vide qui régit notre Modernité : d’une part l’enfermement social et incestueux, la sclérose et le poids des traditions, de l’autre le mythe de l’individu libre, autonome et semblable aux autres, conquérant, croyant dans l’avenir, dans la science et la technique, réduit finalement à un consommateur aveugle et solitaire.
Avec la perte des repères symboliques, la dislocation du lien social, la disparition d’un ordre moral, notre situation présente se caractérise par l’indifférence de masse où le ressassement domine, où le futur n’est plus assimilé à un progrès inéluctable.
La représentation s’efforcera de restituer l’ordre à la fois onirique et halluciné du cauchemar exacerbant les points de crise du réel.
Nous puiserons dans des formes inspirées tant du théâtre allégorique de tréteaux que du théâtre épique où justement il n’ y a plus de monde clos, celui de la scène, qui détiendrait une vérité à laquelle la salle doit s’abandonner en s’oubliant elle-même.
Par le truchement de la représentation, cette aventure commune aux acteurs et aux spectateurs, ce qui est mis en jeu, à l’épreuve, c’est finalement l’expérience même de notre société.
M. A. Sanz, Notes, février 1999