J’ai tenté d’accompagner cette femme au commissariat pour qu’on lui explique ce qui avait pu se passer après l’arrestation de son fils, mais il faut bien avouer que les employés de la police sont restés extrêmement vagues. Conclusion : on n’a jamais pu élucider les raisons de cette mort.


Ce dont j’ai voulu parler dans ce texte, c’est du sens de la vie pour ceux qui restent, car finalement, pour cette femme, la vie doit continuer, coûte que coûte. Il faut dire que les gens très démunis font souvent preuve d’une force particulière face aux coups durs de la vie. Non pas que cette femme ait eu moins d’amour pour son fils, qu’une autre femme plus aisée, plus instruite, issue d’un contexte familial plus classique, n’en aurait eu. Mais c’est précisément la précarité des conditions de vie de ces gens qui leur confère cette attitude courageuse face aux malheurs de l’existence ; comme si, les côtoyant au quotidien depuis toujours, ils en envisageaient l’imminence, comme un fait naturel. D’une certaine manière, les coups du destin leur sont familiers. Affronter les difficultés est presque plus facile pour eux que de gagner au loto, ce qui ne les empêche pas pour autant d’y jouer...


Stabat Mater est donc le premier texte que j’ai écrit, après l’avoir ressorti, des mois plus tard, d’un tiroir où il dormait à côté de quelques poésies et réflexions sur Heidegger. Je m’étais alors passionné pour Être et temps, je trouvais ce texte merveilleux, et il est de fait merveilleux. Mais je lisais Être et temps comme on lit un roman, un grand roman. L’aspect philosophique m’intéressait peu, c’était trop spécialisé, mais j’aimais en revanche cette grande liberté de langage, que la traduction italienne laisse également transparaître.


Je ressortis donc mon texte, et le relus. Et en le relisant, je me fis la réflexion que c’était l’oeuvre d’un fou, tout du moins, d’une personne dont le langage n’avait pas de lien logique avec la réalité. Cela ne m’a pas empêché pour autant de l’envoyer à Milan, d’où je ne reçus aucune réponse.


(1) Stabat Mater a été publié à l’intérieur de la «Tetralogia delle cure» intitulé Quattro atti profani , Milan, Ubulibri, 1997, qui comprend les textes Passione selon Giovanni, Vespre alla beata vergine et Lustrini. »

La Jeune fille suppliciée sur une étagère

d’Akira Yoshimura

L’Auteur : Antonio Tarantino