Saarbrücker Zeitung
A voir dans la région.
L’arrivée est en soi théâtrale. L’ancienne voie ferrée, qui autrefois transportait des ouvriers, nous conduit jusqu’aux chevalements abandonnés. Au mur, un panneau : «Il est interdit de cracher par terre. pensez aux collègues qui doivent nettoyer ici». A l’entrée du magasin, entre rails rouillés et bâtiments délabrés, on nous accueille avec du vin rouge, histoire de se réchauffer. Un bon préliminaire à ce texte d’une grande force qui remplit le lieu de manière idéale. Éléments moins performants. Une pièce sur le déclin du monde sidérurgique, le licenciement froid des ouvriers, l’effet dévastateur du chômage au sein des familles. Un texte qui parle aussi du déclin du prolétariat, de l’amitié entre les hommes, de la solidarité entre copains. Les spectateurs dont la moitié sont sarrois se retrouvent au Carreau Wendel de Petite-Rosselle. C’est ici que Marc-Ange Sanz a, à la demande du Carreau-Scène nationale de Forbach et en collaboration avec le Festival français de Sarrebruck Perspectives, créé sa mise en scène. Dans l’ancien magasin, on sent encore la graisse des machines. Les acteurs entrent sur scène non par la porte, mais surgissent du sol par des trappes. C’est par l’une de ces trappes qu’entre Anna, désespérée, dans une agence de films pornographiques. Son Hans est au chômage et il n’y a plus d’argent. Elle se déshabille. Son partenaire cinématographique l’attend, déjà nu. C’est avec beaucoup de talent que Marc-Ange Sanz met en scène ce passage délicat. Alors que l’homme et la femme sont debout, immobiles dans la pénombre, le producteur est accroupi sur le sol et sur sa poitrine sont projetées les images de la scène porno qu’il dirige. Cette scène est caractéristique du style de la mise en scène, sobre et ingénieuse. Cette pièce de Turrini fut présentée il y a quelques années à la Alte Feuerwache de Sarrebruck dans une mise en scène tapageuse et hystérique. De nombreux effets et beaucoup de bruit pour rien. La différence avec le spectacle de Petite-Rosselle est énorme. Marc-Ange Sanz s’appuie entièrement sur le texte. Peu d’accessoires pour indiquer les changements d’espace, le jeu des acteurs est posé et dense. On est au plus proche des personnages, de leur vie. l’atmosphère et l’odeur qui se dégagent du magasin y participent.
(Toutes les représentations affichent complet.)
Susanne Brenner